Chronique :
Résonances entre psychés & culture Paris, janvier 2022
La panthère des neiges :
Un film documentaire remarquable.
Réalisé par Marie Amiguet & Vincent Munier
Il y a de grands films qui confirment que le 7 éme art en est bien un !
Certains passent moins aperçus que d’autres et ce, dans les différents genres cinématographiques.
C’est pourquoi lorsque l’on a la chance de ne pas passer à côté , il est difficile de ne pas le faire savoir .
Je voudrais partager aujourd’hui avec vous un grand moment de bonheur que j’ai éprouvé en regardant la panthère des neiges .
Non seulement il s’agit d’un exploit pour le photographe Vincent Munier et pour l’explorateur Sylvain Tesson et pour l’équipe de tournage, dont Marie Amiguet en tant que réalisatrice qui les a filmés entrain de vivre cette expérience insigne .
Exploit dans le fait de s’exposer à observer la nature pendant des heures dans des contrées de plus en plus rares aujourd’hui où la nature et ses animaux sont encore relativement ( et pour encore combien de temps ? ) préservés .
Il s’agit aussi d’une leçon de vie , délivrée très simplement et très humainement à maints égards et qui puise aussi dans des archives d’images prises par Vincent Munier avant cette dernière expédition …
Éloge de la patience , de la contemplation du monde de la nature tel qu’il est .
Éloge d’une forme de méditation qui consiste à être attentif à l’environnement . Attentifs aux êtres qui l’habitent et à considérer qu’en tant qu‘explorateur et photographe animalier, ils viennent sur un territoire habités par d’autres êtres vivants.
Et que partant , c’est à eux de respecter leurs trajectoires , leurs manière d’habiter l’écosystème dans lequel l’humain trop souvent se présente en maître qui cherche à maîtriser , à considérer le paysage environnant comme lieu de ressource à exploiter …
Ici la démarche du photographe animalier est tout autre , elle consiste à être le plus attentif possible au monde naturel tel qu‘il est .
À la vie qui s’y déroule et qui ne peut être perçue que si l’homme est pleinement en relation avec l’environnement tel qu’il est et que s’il se donne les moyens de s’y adapter pour y vivre pendant des heures une attention et une ouverture à ce qui est , et à ce qui s’y passe sans lui. Et alors la magie de rencontres uniques peut advenir …
Au fond, il s’agit de voir le paysage habité d’animaux en disparaissant en tant qu’homme prédateur / voyeur cherchant à s’imposer et à s’emparer de ce qu’il voit pour rentrer en communion avec une vie qui vit sans lui .
Et se faisant il s’agit pour eux , de devenir des témoins privilégiés de cette vie qui s’offre à l’observateur attentif et qui révèle presque miraculeusement certains de ses secrets .
Nos ambassadeurs auprès des bêtes par leur patience , leur foi en la rencontre toujours possible et jamais gagnée d’avance se rendent capables de chercher leurs traces , leurs marques , leurs voies de passage, le point d’affût le mieux adapté à l’observation de l’animal qui se laisse apercevoir rarement .
Ils se montrent capables d’attendre des heures et des jours pour finalement faire l’expérience d’apercevoir l’être désiré qui vient à passer dans le champ des observateurs à son heure , pendant quelques minutes qui requièrent la présence éveillée de ses serviteurs !
Magnifique témoignage d’une capacité humaine à être attentif à l’autre et à l’autre animal et à l’autre être naturel …
D’autant que cette quête de la rencontre avec la panthère des neiges est un prétexte à une communion avec la nature qui leur donne l’occasion de rencontrer toutes sortes d’autres animaux plus ou moins rares et au passage, de nous offrir en nous les rendant accessibles, les scènes de leurs vies quotidiennes , qui d’habitude se déroulent sans observateurs humains…
Il y a une dans cette démarche une dimension naturaliste très poussée , qui ouvre sur une dimension spirituelle bouleversante .
Cette délicatesse, cette douceur , cette persévérance , cette détermination à rencontrer l’autre sur son terrain en s’invitant sur son territoire, y compris dans sa rigueur climatique tout en respectant ses « us et coutumes », sa temporalité , ses rythmes – ce parti pris s’avère profondément bouleversant : non seulement dans sa dimension de chercheur de rencontres , les pieds sur Terre , avec l’autre animal mais aussi dans sa dimension métaphorique en tant que leurs attitudes nous renvoient à ce à quoi nous sommes convoqués dans notre fonction de chercheur du monde du dedans et en tant que thérapeute, à ces valeurs si précieuses de l’attention à l’autre et à l’Autre et de la capacité de l’humain à se centrer sur le vivant .
Et pour se faire , à écouter d’abord le silence , le sensible , la résonance affective , émotionnelle, spirituelle dans une qualité d’être tellement importante et qui nous fait trop souvent défaut .
Attitude de patience et de confiance en le profondément vivant qui nous fait les témoins à certains moments d’émergences joyeuses, d’advenus du sujet en présence de l’autre et de l’Autre…
Voilà pourquoi, entre autre , je vous engage à ne manquer sous aucun prétexte ce film : La panthère des neiges …
Qui a eu , et ce n’est pas un hasard , le César du meilleur documentaire 2022 …